Écrivaine, éducatrice et activiste, Erica R. Meiners a coédité l’anthologie The Long Term: Resisting Life Sentences, Working Towards Freedom (Haymarket Press, 2018) et coécrit Feminist and the Sex Offender: Confronting Sexual Harm, Ending State Violence (Verso, 2020) ainsi que Abolition. Feminism. Now. (Haymarket, 2022). Membre active du syndicat de l’University Professionals of Illinois, Erica enseigne les sciences de l’éducation, les gender and sexuality studies et les justice studies à la Northeastern Illinois University. Membre de Critical Resistance, du Illinois Death in Custody Project, du Prison+Neighborhood Arts / Education Project et de Education for Liberation Network, Erica est fan de science-fiction, coureuse au long court et amoureuse des abeilles et des chats. L’article « The Problem Child: Provocations Toward Dismantling the Carceral State », ici traduit par Vincent Romagny avec l’aide de François Aubart, est initialement paru dans la Harvard Educationnal Review de printemps 2017 (n°1, volume 87).

Qu’y a-t-il de si détestable chez les adultes ? Quand tu vois un·e enfant en bas de chez toi, tu sais bien que t’es censé·e læ nourrir ? Et lorsque cet·te même enfant atteint dix-huit ans, alors, tout à coup, tu dis, « Je ne te nourrirai pas ». Qu’y a-t-il de si vulgaire et puant et dégoûtant et détestable chez l’adulte moyen·ne qui ne nous fait pas penser qu’iel devrait avoir quelque chose à se mettre sous la dent ? Il faut être dingue pour avoir une telle idée.
— Stefano Harney et Fred Moten
Les sous-communs : planification fugitive et étude noire. Trad. collective. Montreuil. Brook. 2022.

La nation la plus emprisonnée et la plus policée du monde – un élément de ce que l’historienne Saidiya Hartman a appelé « la vie après la mort de l’esclavage », consistant en « chances de vie inégales, un accès limité à la santé et à l’éducation, une mort prématurée, l’incarcération et l’appauvrissement[1] » – se trouve à nouveau à un moment critique. Bien que l’élection de [Donald Trump en] 2016 puisse compromettre ce moment de réforme, les débats sur la fermeture des prisons, la surveillance civile du maintien de l’ordre et les alternatives à l’incarcération – impensables il y a dix ans – sont alimentés par des organisations aussi diverses que les soulèvements #BlackLivesMatter et le groupe de conservateurs Right on Crime.[2]

La question de la réforme de la justice pénale s’est également infiltrée dans les écoles. Au cours des quinze dernières années, du fait de l’engagement de jeunes activistes, les mouvements contre le school-to-prison pipeline [3] se sont régulièrement regroupés[4] influençant les décideurs politiques. Une audience du Congrès en décembre 2012 sur la fin du school-to-prison pipeline a réuni des intervenants de tous les États-Unis[5] incitant les districts scolaires urbains à réévaluer les pratiques disciplinaires, dont les politiques de « tolérance zéro[6] ». Début 2014, l’administration Obama a publié un rapport de trente-cinq pages exhortant les écoles à utiliser les forces de l’ordre en « dernier recours » dans le cadre de la discipline scolaire[7] Avec des pratiques comprenant des cercles de rétablissement de la paix, des conférences réparatrices, des jurys de pairs, la médiation et d’autres processus consistant à rendre des comptes, la justice réparatrice, une réponse prétendument non punitive à des préjudices, s’est avérée être une pratique disciplinaire alternative qui circule désormais dans les écoles, depuis Oakland jusqu’au Bronx.

Ce moment politique génère de nouvelles opportunités pour celles et ceux qui travaillent pour la justice dans les communautés et dans les écoles, mais il faut être prudent. Non seulement cette vague actuelle de réformes se passe souvent d’une analyse rigoureuse et transparente des investissements clés qui ont naturalisé la montée en puissance des systèmes américains de maintien de l’ordre et d’incarcération, de la suprématie blanche, du colonialisme, du capitalisme et de l’hétéropatriarcat, mais les réformes proposées par les parties prenantes de tout l’éventail politique, loin de réduire l’empreinte et la logique sous-jacente de notre État carcéral ou punitif[8] les ont souvent élargies. Comme l’écrit Angela Davis : « Le paradoxe, c’est que la prison est le fruit d’efforts concertés de la part de réformateurs soucieux de créer un meilleur système punitif. Si l’expression “réforme des prisons” nous vient spontanément à l’esprit, c’est parce que les mots “prison” et “réforme” sont inextricablement liés depuis que l’incarcération est apparue comme principal moyen de châtiment envers les contrevenants à la loi[9] »

L’histoire de l’incarcération a toujours été une histoire de réformes qui élargissent fréquemment la portée et l’étendue de la punition. Au cours des deux derniers siècles, la création de pénitenciers, de maisons de correction pour les jeunes et les femmes, et même de quartiers de haute sécurité, a été défendue par celles et ceux qui avaient de « bonnes intentions » et qui voulaient améliorer les anciennes formes de punition. Pourtant, chacun de ces développements a étendu et naturalisé un État carcéral. Notre débat national actuel sur la justice pénale ouvre à nouveau des perspectives de réforme, mais l’histoire devrait nous inciter à la prudence : « Quelles sont les possibilités de réformes non réformistes, de changements qui, en fin de compte, dénouent plutôt qu’elles n’élargissent le filet du contrôle social par la criminalisation[10] ? »

Les possibilités et les écueils de la réforme sont particulièrement flagrants pour celles et ceux qui travaillent dans le domaine de l’éducation car un élément clé de notre « nation carcérale » racialisée, pour reprendre un terme de l’activiste et universitaire Beth Richie[11] repose sur les lois qui prétendent protéger l’enfant. Notre État carcéral a été construit par une matrice de systèmes punitifs et de lois qui semblent protéger les enfants – y compris les zones scolaires sans drogue, les ordonnances sur la « qualité de vie » (par exemple, les lois contre la délinquance), les registres publics de délinquants sexuels et les projets de loi sur la question de la mixité ou non des toilettes[12] – et il continue de criminaliser, en particulier les plus vulnérables, sans réellement améliorer la sécurité publique. Non seulement ces lois naturalisent et renforcent la surveillance, les pratiques de maintien de l’ordre, de punition et les lois qui sont enracinées dans l’hétéropatriarcat racialisé (et la sécurisation des droits de propriété privée), mais beaucoup d’entre elles criminalisent de manière disproportionnée les populations qu’elles sont censées protéger – les jeunes. Pour démanteler l’État carcéral dans nos salles de classe et dans nos communautés, il faut non seulement réduire l’empreinte du maintien de l’ordre, mais également prendre du recul pour théoriser à nouveaux frais l’artefact de l’enfant et des catégories associées (adolescent·e, mineur·e, jeune[13] Comme le poète et universitaire Fred Moten le demande dans l’épigraphe de cet article, comment pouvons-nous rendre visible les logiques qui donnent de la valeur à des enfants, au détriment de nombreux autres[14] ? Comment ces postulats sont-ils naturalisés, ou transformés en une sorte de « sens commun » propre à un point de vue blanc, et quelles en sont les conséquences collatérales ?

Les jeunes personnes sont vulnérables. Cela ne peut pas être remis en question. La jeunesse subit la violence. Les mineur·es ont besoin de soutien. Les enfants sont dépendants. Pourtant, s’il est « pire qu’erroné de parler d’enfants très dépendants, tels que les nourrissons et les tout-petits, comme ayant besoin ou manquant de “liberté” », comme l’écrit le juriste Martin Guggenheim[15] dans son réquisitoire contre les services de protection de l’enfance, la précarité des mineur·es n’en est pas moins partiellement fabriquée. L’impossibilité de voter, de consentir à une activité sexuelle, de signer un contrat légal, de travailler (ou, lorsqu’ils sont employés, d’être exemptés du droit de gagner un salaire minimum ou égal à celui des adultes), de boire de l’alcool – ces lois qui visent à les protéger rendent celles et ceux qui sont catégorisé·es comme mineur·es dépendant·es et augmentent leur instabilité. De nouvelles catégories de délinquance et de crime sont nécessaires pour modeler l’enfant en un·e adulte convenable ou pour indiquer son intouchabilité. Cette précarité efface l’agentivité des jeunes personnes, mais, ce qui est peut-être plus important, la matrice punitive, loin de les protéger, discrimine et invalide beaucoup de personnes, y compris les jeunes – « absentéistes », « délinquant·es », « incorrigibles », « fugueur·euses », « débauché·es » –, particulièrement celles et ceux marqué·es par la suprématie blanche. Au-delà de la régulation des mineur·es, la surveillance et la punition avancées pour protéger l’enfant façonnent la vie des adultes.

Aux États-Unis, alors même que certains acteurs cherchent à repenser cet investissement national dans les prisons et dans la punition inaugurée il y a plusieurs décennies, ce moment politique de réforme risque simplement de réinstaller les anciennes idéologies carcérales dans de nouveaux dispositifs punitifs s’il fait l’économie d’un examen critique de l’artefact hétéropatriarcal et racialisé qu’est l’enfant ainsi que celui des cadres de protection qui lui sont associés. Pour entamer ce dialogue nécessaire, cet article[16] commence par une vue d’ensemble du concept d’enfant et des domaines qu’il recoupe. Tout en étant attentif au pouvoir figuratif[17] de l’enfant, cet essai refuse de perdre de vue la manière dont cette catégorie façonne les expériences vécues par de nombreuses personnes et reconnaît la constitution réciproque du concept et de la matérialité. L’historienne Anita Casavantes Bradford suggère que la distinction ténue entre « les enfants en chair et en os et les représentations symboliques de l’enfant[18] » est une tension utile et inhérente à toute recherche sur l’enfant. Comment distinguons-nous l’idée de l’enfant – cette figure labile et construite qui n’a jamais été neutre – de la façon dont cette catégorie est vécue, résistée, habitée, déformée, usée ? Malgré le caractère incertain de la différence entre la chair et sa figurabilité, cette « distinction heuristique hypothétique[19] » écrit-elle, « nous permet tout de même de poser des questions plus précises sur pourquoi et comment les connaissances sur les enfants sont produites, contestées et naturalisées[20] ».

Pour illustrer la façon dont les lois et les systèmes élaborés pour la protection de l’enfance façonnent des jeunes personnes « en chair et en os », la deuxième partie de cet essai présente des exemples tirés de la justice des mineur·es et des services de protection de l’enfance. La troisième partie va au-delà de la figure de l’enfant pour décrire comment les lois et les politiques créées pour le protéger sont préjudiciables aux adultes, et en particulier aux plus marginaux. Pour finir et faire bouger tout cela, loin de présenter des solutions, je propose des provocations pour que cela change. Affirmer que quelque chose est injuste n’implique pas que nous proposions une issue, ou, comme l’écrit l’anthropologue Elizabeth Povinelli, « [dire] “pas ceci” fait une différence même si cela ne présente pas immédiatement une proposition alternative[21] ». Même s’il est possible de l’envisager, je ne propose pas d’en finir avec l’enfance. Au lieu de cela, je propose plutôt des ouvertures et des provocations sur la façon dont celles et ceux qui travaillent dans le domaine des sciences de l’éducation pourraient reprendre cette analyse pour construire des communautés et des écoles plus justes.

Problèmes (de) mineur·es

Bien que cet essai s’intitule « L’enfant à problèmes », le problème[22] réside plutôt dans la façon dont l’enfant circule au sein des différents domaines, qui se recoupent tant ils sont « tressés[23] », et dans la façon dont l’enfant est relié·e à nombreux problèmes (de) mineur·es, tous également liés entre eux. Le problème ne vient pas de l’enfant, mais de l’ensemble des significations, métaphores et mouvements attachés à cette figure dynamique et mineure qui suscite des troubles, des problèmes. Aux États-Unis, l’enfance est comprise comme une étape du développement biologique et du cycle de la vie, une classe ou un groupe social informel, un trope figuratif ou littéraire, un artefact historique, ou encore comme une catégorie de science sociale. Ces domaines sont souvent en tension. Des significations contradictoires sont rattachées à l’enfant et des projets politiques contradictoires sont reliés aux différentes représentations de l’enfance. La catégorie en elle-même est également glissante. Qui est pris·e en compte en tant qu’enfant ? À quelles conditions[24] ? En brouillant délibérément les catégories – « enfant », « jeune personne », « mineur·e » – pour accentuer la malléabilité de ces classifications, les nombreux pouvoirs figuratifs de l’enfant et l’« étrangeté juridique » de ces catégories[25] je suggère ici que l’enfant et les catégories qui lui sont associées soient définies collectivement par ce qu’ils ne sont pas – des adultes – et par la concomitance de la perte de l’innocence et de l’acquisition de la raison, deux caractéristiques éloquentes qui sont au mieux éphémères.

L’enfance, en tant que stade de développement situé après la petite enfance et avant l’adolescence, a été produite par de nombreux domaines et institutions comprenant la psychologie, le travail social, la justice pour mineur·es, la médecine et l’éducation. Pourtant, l’âge n’a pas toujours eu des pouvoirs magiques, comme le souligne méticuleusement l’historienne Holly Brewer[26] Par exemple, dans l’Angleterre du xvie siècle, « des adolescents étaient couramment élus au Parlement[27] ». En Virginie, en 1689, Mary Hathaway, âgée de neuf ans, a épousé Williams ; deux ans plus tard, elle a réussi à demander au tribunal du comté de la libérer de ce mariage. « Au début du xviie siècle, en Angleterre comme en Amérique, les jeunes enfants témoignaient souvent, apparemment sans même que l’on puisse douter de la véracité de leurs propos[28] ». En 1641, un apprenti apothicaire, Peter Moore, est exécuté à Exeter, en Angleterre, pour avoir empoisonné son maître. Les historiens « supposent » qu’il avait quatorze ans, mais « l’âge, même sous la forme causale d’appeler “garçon” ou “fille”, était rarement enregistré », puisque « la loi faisait peu de distinction entre les enfants et les adultes, l’âge n’était pas pertinent[29] ». Avec le déclin de la mortalité infantile et l’augmentation des taux d’alphabétisation, des discours sur le développement humain ont émergé et les enfants ont commencé à être compris·es non pas comme des versions plus petites des adultes mais comme de futurs adultes. Pour certains, l’âge a commencé à prendre une signification juridique et sociale.

L’enfance est également définie par rapport à ce qu’elle n’est pas – l’âge adulte. Pourtant, il n’y a pas de clarté ou de consensus sur les limites légales ou sociales de cette transition et de tous les stades intermédiaires – jeune mineur·e, adolescent·e, ado, gamin·e, mineur·e, jeune adulte – et ces catégorisations bloquent l’entrée dans les institutions clés produisant le capital qui définit l’âge adulte : la force de travail, la politique, le mariage, l’armée. La recherche académique sur ces catégories intermédiaires est apparue aux États-Unis et au Royaume-Uni dans les années 1950 et 1960, elle fut « marquée par une préoccupation pour la délinquance » et « naquit au sein de la criminologie, nourrie par des paniques morales concernant la nuisance imputée aux jeunes dans les voies urbaines des sociétés occidentales[30] ». Leur statut étant construit comme un problème effectif ou potentiel, ces catégories intermédiaires requièrent études, gestion, réglementation, ainsi que les experts et institutions qui leur correspondent.

En outre, aucune de ces catégories de stades de la vie n’est neutre sur le plan racial. Les constructions de l’enfance du xixe siècle étaient exclusivement blanches[31] L’historienne Robin Bernstein suggère que la catégorie du pickaninny, un·e « mineur·e noir sous-humain·e imaginaire[32] » inventé précisément au moment où l’enfance américaine blanche commençait à apparaître, circulait au travers d’une série de médias et de domaines, répondant à des objectifs variés. Cette caricature raciste était définie par son manque de sensibilité : « animale ou adorable, en haillons ou soignée, effrayée ou heureuse, américaine ou britannique, la figure est toujours juvénile, toujours de couleur, et toujours résistante, si ce n’est immunisée, à la douleur[33] ». Les enfants blanc·hes étaient innocent·es et sensibles et donc pleinement humain·es, alors que l’enfant non blanc·he était exclu·e de l’innocence et de l’accès à la sensibilité, non pas pleinement humain·e et ne relevant donc pas de l’enfance.

La régulation et la racialisation de l’enfance perdurent, reproduites et naturalisées dans la culture populaire, les lois et la tradition. « Les enfants noir·es bénéficient du privilège de l’innocence dans une moindre mesure que les enfants d’autres races[34] », concluent des psychologues qui ont examiné si les garçons noirs se voyaient offrir les mêmes « protections de l’enfance que leurs pairs[35] ». Dans cette étude, les participants, principalement des personnes blanches, étaient systématiquement moins susceptibles de voir les jeunes garçons noirs comme des garçons : « Les suspects noirs étaient considérés comme ayant 4,53 ans de plus qu’en réalité, cela signifie que les garçons étaient perçus à tort comme des adultes légaux à l’âge de 13 ans et demi environ[36] ».

La plasticité de ces catégories développementales[37] en lien avec leurs histoires racialisées, continue de façonner la vie des individus, souvent avec des conséquences fatales. Michael Brown, dix-huit ans, qualifié par le policier blanc Darryl Wilson de « démon » et comparé à Hulk Hogan [un catcheur professionnel], a été tué le 9 août 2014[38] Tamir Rice, âgé de douze ans, décrit par un appel au 911 comme « un “gars” dans un parc pointant une arme à feu qui était “probablement fausse », a été supposé jouer avec une vraie arme, non pas avec un jouet et a été mortellement abattu par l’officier de police blanc Timothy Loehmann le 22 novembre 2015[39] En janvier 2017, Bresha Meadows est en prison, accusée à l’âge de quatorze ans de meurtre aggravé (ou prémédité) pour avoir tué son père, qui, selon de nombreuses preuves, la battait et la maltraitait régulièrement, ainsi que sa sœur et sa mère[40] En tant que jeunes Noirs, aucun d’elle et eux n’est autorisé·e, même dans la mort, à occuper pleinement l’enfance ou l’adolescence.

Pourtant, pour d’autres, ces mêmes catégories s’étendent, englobent et fournissent davantage de moyens. L’« économie fragile » qui a poussé des jeunes (blanc·hes) de vingt-deux ans ayant fait des études supérieures à retourner chez leurs parents s’est transformée en « report du début de l’âge adulte de plus en plus tard », peut-être jusqu’à l’âge de vingt-six ans, ce qui a incité les psychologues à créer la catégorie d’« adulte émergent·e »[41] pour prolonger les avantages liés au statut de mineur·e (y compris l’accès à la couverture médicale des parents). De nouvelles catégories développementales sont créées pour certaines jeunes personnes, en particulier la jeunesse blanche, afin de repousser la perte de l’innocence et de tâcher de faciliter leur entrée dans le monde douloureux et inéquitable de l’âge adulte. Si le terme pickanniny est peut-être démodé, ceux de « superprédateur », « voyou », « thug », « membre de gang » et « démon » ne le sont pas et ils véhiculent les opinions qui leurs sont liées : un manque d’innocence, de sensibilité ainsi qu’une raison qui n’est pas celle d’un·e enfant, impliquant la culpabilité.

L’enfant circule également comme un trope, ou « enfant-comme-idée[42] », et iel représente une série d’idées potentiellement contradictoires comprenant l’avenir, la pureté, un potentiel révolutionnaire, l’incapacité, l’inaptitude, le devenir et, peut-être la plus éloquente, l’innocence. Robin Bernstein décrit l’association sans faille de l’enfance, une catégorie qu’elle établit comme n’étant accessible qu’aux Blanc·hes, et de l’innocence : « Au xixe siècle, la culture des sentiments avait totalement tissé ensemble l’enfance et l’innocence. L’enfance n’était alors pas comprise comme innocente mais comme l’innocence elle-même ; non pas comme un symbole de l’innocence mais comme son incarnation[43] » En plus d’une forme racialisée d’innocence, l’enfance a été associée à cette époque à un manque de raison et donc à une incapacité à consentir. L’universitaire Anna Mae Duane, spécialiste de littérature, suggère que, puisqu’iel est dépourvu de raison, « l’enfant en est effectivement venu·e à représenter tout ce qui devrait exclure un sujet de la citoyenneté[44] ». Pourtant, du fait de sa catégorisation orientée vers le futur, cette figure recèle également un potentiel révolutionnaire. En contradiction apparente avec les tropes de l’innocence et de l’incohérence, puisque certain·es enfants peuvent devenir des adultes à part entière (contrairement à d’autres, comme les personnes souffrant de handicaps spécifiques qui continuent souvent à être considérées comme des enfants, quel que soit leur âge), puisqu’iels sont capables de consentir et d’être indépendant·es, l’enfant peut représenter des futurs radicalement libérateurs. Dans les mouvements révolutionnaires, les images et les représentations de l’enfant sont « non pas un appel inéluctable à la pitié, mais une demande inconditionnelle de liberté[45] ».

Cette capacité métaphorique de l’enfant et « l’espace social commode et indiscriminé[46] » de l’adolescent qui lui est associé ancrent leur déploiement dans les luttes sociétales qui traversent tout le spectre politique. Les campagnes visant à légaliser le mariage homosexuel et celles visant à le contester ont tout autant invoqué la nécessité de « sauver les enfants ». La protection de l’enfance continue d’être utilisée pour priver les femmes de leurs droits reproductifs et parentaux, en particulier les femmes pauvres, handicapées, jeunes et/ou non-blanches. La protection des jeunes filles contre la violence sexuelle sert de justification pour restreindre l’accès à des toilettes non-genrées, notamment dans les écoles et autres espaces publics. Au-delà de l’invocation de la sauvegarde ou de la protection de l’enfance pour faire avancer des campagnes politiques ou sociales, quand certaines communautés sont rapprochées de la figure de l’enfant, les conséquences sont tout aussi complexes, souvent accablantes. Les personnes handicapées, les femmes et/ou les communautés des Premières Nations ne sont que quelques exemples de populations qui continuent d’être considérées comme infantiles, donc dépourvues de raison et pour cela considérées comme incapables de s’autogouverner. Loin d’être libératrice, l’infantilisation peut mettre en évidence la violence de l’État et aussi souvent servir à la masquer soigneusement.

Les problèmes (de) mineur·es encourus par l’enfant se recoupent et ils perdurent. Puisque l’enfance est une catégorie dotée d’une histoire continue et racialisée et que ses frontières sont souples, il n’est pas surprenant que les images et associations qui lui sont liées surgissent dans de multiples mouvements politiques et sociaux souvent contradictoires. Bien qu’il s’agisse d’histoires déjà connues – la flexibilité des catégories développementales, leur histoire raciale et leur invocation en fonction de nombreux objectifs politiques – le fait de retracer ces contours dans les composantes de l’État carcéral contemporain met en lumière de nouvelles manifestations de problèmes qui peuvent permettre l’émergence de lignes cruciales de critique, de résistance et de libération.

Vulnérabilités précaires

Les problèmes catégoriels du système de justice pour mineur·es

En dépit de la perception de « lignes nettes » entre des catégories comme celles d’« adulte », de « jeune » et d’« enfant », la fluidité entre ces catégories et même à l’intérieur de celles-ci se vérifie de plusieurs façons : en examinant de plus près comment et pourquoi les jeunes se retrouvent dans le système de justice pénale, quels jeunes sont les plus susceptibles d’être ciblé·es et détenu·es par les lois et un système qui prétend les protéger et en relevant le résultat final en temps passé en prison, qu’elle soit pour mineur·es ou pour adultes. De nombreux·es jeunes sont notamment soumis·es à la justice pénale non pas parce qu’iels ont commis des actes de violence, mais parce que, en tant que non-adultes, iels sont exposé·es à une multitude de formes de maintien de l’ordre et de réglementation. Il n’est sans doute pas surprenant que les jeunes les plus marginaux et les plus marginales soient disproportionnellement touché·es. La sexualité et le genre, en particulier pour les jeunes non-blanc·hes, sont des cibles de la réglementation.

De nombreux jeunes sont conduit·es dans le système de justice pénale pour des infractions de statut[47] Les mineur·es sont soumis·es à un ensemble de lois qui ne s’appliquent pas aux adultes. Les lois conçues pour les protéger – contre le vagabondage, le fait de traîner dans les rues la nuit, les fugues, la consommation d’alcool ou de stupéfiants, l’activité sexuelle et le manquement à l’obligation scolaire – toutes augmentent le risque de la criminalisation de jeunes personnes. En d’autres termes, en réglementant la mobilité et le comportement, ces lois criminalisent également les jeunes personnes. Dans certains États, quarante pour cent des mineur·es qui se trouvent derrière les barreaux sont incarcéré·es pour des violations de la probation, possession de drogues, des délits mineurs contre les biens, des infractions à l’ordre public et des infractions de statut[48] Alors que les adultes sont également enfermé·es pour avoir enfreint nombre de ces mêmes lois (par exemple, la possession de drogue), les mineur·es sont soumis·es à nombre d’autres formes de maintien de l’ordre et leur statut même de non-adulte, loin de leur conférer davantage de protection en vertu de la loi, peut justifier une surveillance et un enfermement supplémentaires.

Les infractions de statut ou violations apparaissent souvent en résonnance avec les inquiétudes publiques qui prévalent ; et même lorsque ces lois sont présentées comme étant « neutres », leur application ne l’est pas. Dans les années 1960, Brenda Travis, une adolescente noire, leader active dans le mouvement des droits civiques, a été « étiquetée comme délinquante et internée dans un centre de redressement pour la dissuader, elle et d’autres jeunes, de s’engager dans le mouvement des droits civiques du Mississippi[49] ». Bien que Travis ait finalement été libérée, il est possible d’identifier « des centaines de cas de jeunes noir·es arrêté·es, déclaré·es délinquant·es et placé·es en institution pour avoir participé à des manifestations pour les droits civiques[50] » par des tribunaux et des forces de l’ordre contrôlés par les Blancs, qui ont pu criminaliser leur liberté d’expression et de réunion. La panique fabriquée à propos des adolescent·es non-blanc·hes « superprédateur·ices » et de l’activité incontrôlée des gangs urbains a alimenté l’adoption de lois sur le renforcement de peine pour les membres de gangs dans les années 1980 et 1990, notamment la loi californienne de 1988 sur l’application et la prévention du terrorisme de rue (STEP Act). Les renforcements de peine pour les gangs rallongent la peine des adultes et des jeunes personnes perçues comme des adultes. Comme la race d’un·e jeune, ses vêtements et sa localisation peuvent légalement être identifiés comme une affiliation à un gang, les jeunes personnes non-blanc·hes sont disproportionnellement ciblées par le STEP Act et perçues comme des adultes en dépit du fait que la recherche montre à quel point les jeunes blanc·hes sont plus susceptibles d’en être membres[51]

La régulation de la sexualité émergente des jeunes, en particulier des filles, est une préoccupation publique permanente. Dès sa création au début du xxe siècle, le système des tribunaux pour mineur·es a créé une double norme de genre, identifiant les filles comme autant de délinquantes pour leur « incorrigibilité », l’utilisation d’un « langage profane », des « contacts débauchés » et des « associations avec des personnes immorales[52] ». Dans son résumé des recherches existantes sur les filles dans les systèmes de justice juvénile, Lisa Pasko met en évidence la réglementation des formes de sexualité pour les filles blanches :

Anne Knupfer a constaté dans son analyse des premiers tribunaux pour mineur·es de Chicago qu’entre 1904 et 1927 60 à 70 % des filles délinquantes placées en probation ou en institution étaient accusées d’incorrigibilité. Les juges plaçaient plus fréquemment les filles en institution pour délinquance ou immoralité sexuelle que les garçons, considérant qu’il s’agissait d’un délit sexuel « plus dangereux »…​ Par conséquent, presque toutes les filles qui avaient des relations sexuelles avec plus d’un partenaire étaient institutionnalisées.
— Lisa Pasko
Ibid. p. 1102.

Les réformateurs du xxe siècle ont cherché à recruter des employées pour contrôler l’hétérosexualité féminine : « Toujours selon ces réformateurs, l’emploi d’un personnel de surveillance féminin devait permettre d’éviter les tentations sexuelles, qui, à les en croire, étaient souvent la cause de la criminalité[53] » Cette préoccupation pour une sexualité incontrôlée a façonné l’enfermement des jeunes femmes tout au long du xxe siècle. Pasko cite l’exemple d’une étude menée dans les années 1960 sur les filles dans les écoles de formation : « Bien que les délinquantes juvéniles de l’échantillon aient été incarcérées pour fugue, incorrigibilité, violation de la probation et école buissonnière, la veine sous-jacente de nombre de ces délits est leur mauvaise conduite sexuelle[54] » Cependant, les femmes et les filles non-blanches, en particulier les filles noires, échappaient souvent à ce double standard sexué. Et alors même que les réformes de l’ère progressiste[55] telles que les tribunaux pour femmes et le système de justice juvénile débutaient, pour garantir que l’État agisse comme un patriarche, les filles non-blanches « délinquantes » avaient moins accès à ces réformes[56] […]

Alors que les filles sont toujours ciblées de manière disproportionnée pour les infractions de statut, une matrice de lois de plus en plus punitive réglemente la sexualité de tous·tes les non-adultes. Un·e mineur·e qui envoie un selfie de nu, un acte qui est commis par un·e adolescent·e sur cinq, crée et fait circuler de la pornographie infantile[57] Un·e adulte adoptant ce comportement (avec d’autres adultes) ne commettrait pas de crime. Les préadolescent·es sont de plus en plus souvent accusé·es et condamné·es pour des crimes à caractère sexuel, une catégorie large et en expansion qui peut englober des actes tels que la miction sur la voie publique, l’exhibition sexuelle et l’agression sexuelle. Selon un rapport de recherche publié en 2009 par le ministère américain de la Justice, « les mineur·es représentent plus d’un tiers des personnes connues de la police pour avoir commis des délits sexuels[58] ». Dans l’Illinois, « une bonne moitié » des mineur·es arrêté·es pour des délits sexuels en 2004, 2006, 2008 et 2010 avaient quatorze ans ou moins. Cette augmentation a créé une industrie du redressement sexuel des mineurs : « Les programmes de traitement de la délinquance sexuelle des mineur·es ont été multipliés par quarante entre 1982 et 1992[59] »

Avec une telle surveillance des pratiques sexuelles et genrées des non-adultes, il n’est pas surprenant que les jeunes personnes queers et transgenres, en particulier celles qui ne sont pas blanches, soient surreprésentées dans les systèmes de justice pour mineur·es[60] Beaucoup d’entre elles sont contraintes de quitter leur foyer et leur école à cause de la violence, participent à l’économie de la rue, souvent le seul secteur d’emploi disponible, ce qui les soumet à une forte surveillance policière. Et les jeunes queers de la rue, en particulier celles et ceux qui ne sont pas blanc·hes, bénéficient rarement de la présomption d’innocence. Selon des jeunes (et des travailleur·euses du sexe) de New York, la police interprétait la possession d’un préservatif par certain·es, en particulier les jeunes de couleur, comme une preuve de travail sexuel jusqu’à ce que des militant·es commencent à contester cette pratique en 2013 dans la ville de New York. Comme l’indique l’activiste Andrea Ritchie, la possession de préservatifs n’est pas un marqueur universel du travail du sexe : « Si vous êtes un·e étudiant·e qui a des préservatifs, vous pratiquez la bonne santé publique ; si vous êtes une personne transgenre de couleur, vous vous prostituez[61] » Les jeunes queer et trans sont particulièrement vulnérables car les services de soutien offerts par l’État (foyers de groupe, placement familial) ne tiennent pas compte du genre, séparent en fonction du sexe et exigent souvent que les jeunes s’identifient comme hétérosexuel·les[62]

Au sein du système de justice pénale, les frontières poreuses entre enfant, mineur·e et adulte deviennent manifestes au travers des pratiques de traitement différentielles. Aux États-Unis, environ deux cent cinquante mille mineur·es sont perçu·es comme des adultes chaque année[63] Les États ont déterminé différents âges à partir desquels un·e enfant peut être tenu·e pour responsable et jugé·e par un tribunal pour mineur·es, et de nombreux jeunes de moins de dix-huit ans sont détenu·es dans des prisons pour adultes : « Lors d’une journée moyenne en 2010, quelque 7 560 jeunes de moins de 18 ans étaient détenus dans des centres de détention pour adultes, et 2 295 autres dans des prisons pour adultes[64] » Les jeunes de couleur sont transféré·es dans les tribunaux pour adultes de manière disproportionnée. À tous les niveaux du système de justice pénale, les jeunes de couleur sont beaucoup plus susceptibles que les jeunes blanc·hes d’être retiré·es de leur foyer, transféré·es devant un tribunal pour adultes et envoyé·es dans une prison pour adultes[65]

Le système de justice juvénile ne facilite ni la réhabilitation ni la libération des jeunes qui ne sont pas transféré·es devant les tribunaux pour adultes. Historiquement, la justice des mineur·es, un « projet racial » dès sa conception[66] a désigné les jeunes Blanc·hes auxquel·les elle aurait affaire comme potentiellement innocents. Aujourd’hui, en conformité avec des vieux schémas issus de l’esclavage, le système de justice pénale continue de négocier et de racialiser les frontières entre l’enfance et l’âge adulte. Par exemple, les jeunes Afro-Américain·es ont toujours cinq fois plus de chances que les jeunes Blanc·hes de se retrouver derrière les barreaux, alors que le nombre total de mineur·es enfermé·es a continué à diminuer au cours des trente-cinq dernières années[67] Comme l’affirme Nell Bernstein (2014), chercheuse et journaliste de longue date dans le domaine de la justice des mineur·es, l’indicateur numéro un de l’incarcération des adultes est l’incarcération des mineurs[68]

Dans l’ensemble du système de justice pour mineur·es, non seulement les frontières entre enfant, mineur·e et adulte sont loin d’être statiques, mais la recherche montre à maintes reprises que les jeunes les plus marginaux et marginales – non-blanc·hes, pauvres, queer – sont les moins susceptibles d’être associé·es à cette caractéristique clé de l’enfance : l’innocence. Le statut des jeunes en tant que non-adultes détermine souvent leur entrée forcée dans l’État carcéral et, loin de ses objectifs déclarés d’être un « parent aimable et juste » comme l’explique Ayers (1998) dans son livre du même nom, le système de justice des mineur·es concourt à certaines des pires conséquences dans la vie d’un individu[69]

Les services de protection de l’enfance

L’échec de la promesse de la protection de l’enfance est peut-être le plus manifeste au sein des services de protection de l’enfance [Child Protection Services, CPS], des systèmes qui, comme l’indique l’universitaire et activiste Dorothy Roberts[70] n’ont ni protégé les enfants ni traité les facteurs systémiques qui les rendent plus vulnérables. De nombreuses études, y compris des rapports produits par le gouvernement fédéral et les gouvernements des États, montrent que les enfants placé·es dans les CPS, dans lesquels les enfants noir·es sont représenté·es de manière disproportionnée, ne s’épanouissent pas, qu’iels sont les moins susceptibles d’obtenir un diplôme d’études secondaires et les plus susceptibles de finir incarcéré·es. Loin d’être un billet pour la réussite universitaire ou la mobilité économique, les CPS facilitent la mort prématurée de nombreux jeunes.

Là encore, les tentatives de définition et de protection des enfants se traduisent par des résultats étonnamment disparates pour certains groupes sociaux. Au niveau national, en 2014, « les enfants noirs, qui représentaient environ 14 % de tous les enfants, représentaient 24 % des enfants placés en famille d’accueil cette année-là[71] ». La surreprésentation est souvent plus flagrante au niveau de l’État : en Californie, alors que les Afro-Américain·es constituaient 5,7 % de la population de l’État en 2013, les enfants afro-américain·es représentaient 24,3 % de la population totale des familles d’accueil de l’État[72] Même lorsque les familles blanches et noires entrent dans le système de protection de l’enfance pour les mêmes raisons, les familles noires sont traitées différemment.

La plupart des enfants blanc·hes qui entrent dans le système sont autorisé·es à rester avec leur famille, évitant ainsi les dommages émotionnels et les risques physiques du placement en famille d’accueil, alors que la plupart des enfants noir·es sont retiré·es de la leur. Et une fois retiré·es de leur foyer, les enfants noir·es restent plus longtemps en famille d’accueil, sont déplacé·es plus souvent, reçoivent moins de services et ont moins de chances que les autres enfants d’être renvoyé·es chez eux ou adopté·es.
— D. Roberts
« Race and Class in the Child Welfare System. PBS Frontline: Failure to Protect ». Janvier 2003.

Les jeunes queers, en particulier celles et ceux qui ne sont pas blanc·hes, décrivent certaines des pires expériences vécues au sein des CPS. Un rapport de 2014 du Williams Institute a révélé que les jeunes queers sont plus susceptibles que les jeunes non queers de déclarer avoir été maltraités lors de leur prise en charge, d’avoir été placé·es plusieurs fois dans des familles d’accueil et de vivre dans des foyers collectifs[73] Une étude antérieure, menée dans la ville de New York en 2001, a révélé qu’un

pourcentage stupéfiant de 78 % des jeunes LGBT ont été retirés ou se sont enfuis d’un placement en famille d’accueil parce que ces placements n’étaient pas accueillants, voire même hostiles à l’égard de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Cent pour cent des jeunes LGBT placés dans des foyers de groupe de l’ACS [Administration for Children’s Services] ont déclaré avoir été harcelés verbalement pendant leur séjour dans un foyer, et 70 % ont déclaré avoir été victimes de violences physiques en raison de leur identité sexuelle.
— Randi Feinstein; Andrea Greenblatt; Lauren Hass; Sally Kohn et Julianne Rana
« Justice for All? A Report on Lesbian Gay Bisexual and Transgendered Youth in the New York Juvenile Justice System Angeles ». New York. Urban Justice Center. 2015.

On peut soutenir que les objectifs des CPS n’ont jamais vraiment consisté à protéger les enfants. Le juriste Martin Guggenheim[74] et la politologue Barbara Nelson[75] soutiennent que leur état actuel est en partie le résultat d’un compromis politique. Le début des années 1970 a été caractérisé par un recul systémique et racialisé face aux acquis limités du mouvement des droits civiques des années 1960 et à la « guerre contre la pauvreté[76] » de l’administration Johnson. Alors que le financement de la lutte contre la pauvreté avait été directement lié à la protection de l’enfance en 1967 par le biais de programmes fédéraux tels que l’Aide aux familles avec enfants à charge (AFDC), dans les années 1970, les enfants étaient toujours soutenu·es, mais pas les adultes pauvres, en particulier des adultes non-blanc·hes. Les conservateurs ont effectivement fait valoir que « les programmes libéraux de lutte contre la pauvreté avaient exacerbé les problèmes des pauvres[77] ». Les faibles acquis des années 1960 furent remis en cause et notamment les programmes d’aide sociale et d’assistance publique. Ne voulant ni ne pouvant dénoncer ou s’opposer au racisme anti-noir au cœur de la réaction contre le soutien gouvernemental aux programmes d’aide sociale, les progressistes ont battu en retraite. Il était possible de contrôler les mauvaises familles (en particulier les mères non-blanches) pour sauver les enfants, mais il était impossible de mettre fin à la pauvreté et de promouvoir l’égalité des chances. En 1973, « le mouvement pour les droits à l’aide sociale était effectivement mort[78] ». En 1974, la loi fédérale CAPTA (Child Abuse Prevention and Treatment Act) a séparé la protection des enfants des programmes de lutte contre la pauvreté. Avec la CAPTA, le bien-être des enfants était contrôlé mais pas financé et tous les facteurs structurels qui façonnent la protection de l’enfance, y compris, par exemple, le revenu des parents, n’étaient pas pris en compte. Le Personal Responsibility and Work Opportunity Reconciliation Act de 1996 en a considérablement réduit le programme, tout comme il a mis en place des interdictions pour les personnes ayant des condamnations liées à la drogue, établi une limite à vie de cinq ans pour accéder aux allocations (les États pouvaient choisir de réduire cette limite extérieure), et plus encore[79] Alors que les ressources pour soutenir les familles et lutter contre la pauvreté s’amenuisent, en 2012, les sources fédérales, étatiques et locales ont dépensé plus de 28,2 milliards de dollars pour les activités de protection de l’enfance, notamment le placement en famille d’accueil, l’adoption, les enquêtes du CPS et la gestion de cas[80]

Bien qu’ils prétendent protéger l’enfant, ces systèmes ne remplissent cruellement pas le mandat qui leur a été confié et, loin de cela, ils sont liés à notre État carcéral. L’idée de la protection de l’enfance donne un vernis de bien-être et de soins à ces organismes, mais, dans la pratique, le résultat est souvent grotesque, et ces systèmes sont davantage punitifs et coercitifs. Ayant un impact disproportionné et négatif sur les communautés non-blanches et/ou pauvres, ce pouvoir de figuration de l’enfant innocent – qui pourrait être contre les services de protection de l’enfance ? – masque souvent le rôle central que jouent les CPS dans la reproduction d’un État carcéral racialisé et hétéropatriarcal.

Conséquences collatérales : Comment la protection de l’enfance façonne les adultes et sape la sécurité publique

La protection de l’enfant nécessite également de réglementer la vie des non-mineur·es. Si la recherche démontre que la diabolisation de ses bénéficiaires peut déstabiliser la légitimité d’une institution ou d’un programme public et faire valoir la place prise par une réglementation basée sur le marché[81] le simple fait de suggérer la nécessité de protéger l’enfant peut aussi être utilisé pour reconfigurer efficacement la sphère publique. Selon cette logique, les parcs, les écoles, les transports en commun et Internet sont trop dangereux pour nos enfants. Seule une surveillance continue peut garantir leur bien-être de façon adéquate. Les zones de sanctions pénales renforcées autour des écoles et des aires de jeux, les registres publics de délinquant·es sexuel·les et les vérifications des antécédents criminels des candidat·es à l’embauche sont autant de mesures qui visent à assurer la sécurité des enfants, mais qui ont également pour fonction d’étendre et de naturaliser notre État carcéral et de réglementer la vie des adultes. La préservation de l’innocence, un concept au mieux ténu, et qui n’est accessible qu’à un petit nombre de Blanc·hes, crée donc sa propre violence. Comme le demande Stockton, « comment l’innocence, la façon dont nous désignons les enfants par défaut, provoque-t-elle sa propre violence[82] ? » Bien qu’ils ne soient pas représentatifs de toutes les façons dont la protection de l’enfance est incorporée dans l’État carcéral et façonne la vie des adultes, trois exemples permettent d’en avoir un aperçu.

Tout d’abord, les espaces physiques associés à l’enfance continuent de justifier une surveillance et un maintien de l’ordre accrus et sont également marqués comme des lieux où les peines sont plus lourdes en cas d’infraction à la loi, même si aucun enfant n’a été blessé ou n’y a participé. Par exemple, tous les États ont des zones sans drogue autour des écoles et d’autres espaces publics associés aux enfants. Selon Drug-Free Zone Laws: An Overview of State Policies, un rapport de 2013 du Sentencing Project Report, ces lois ont été établies pour « protéger les enfants des activités liées à la drogue », et celles et ceux qui sont pris en train de vendre ou de consommer dans ces zones s’exposent à des « peines considérablement plus élevées[83] ». La taille des zones varie et inclut les espaces scolaires, mais les dépasse également souvent :

Bien que l’intention déclarée des lois sur les zones sans drogue était de protéger les écoles, 31 États ont étendu la portée de leurs politiques à des zones allant au-delà des écoles primaires et secondaires et à bord des bus scolaires. Par exemple, plusieurs États ont établi des zones autour des logements publics, des parcs publics, des églises et des garderies. D’autres, dont le Missouri et la Virginie-Occidentale, incluent les collèges et les universités dans leur définition du terme « école ». L’Utah ajoute à la liste des zones couvertes les centres commerciaux, les parcs de loisirs et les parkings de ces lieux.
— Nicole D. Porter et Tyler Clemons
Ibid. p. 2

Le coût de ces sanctions renforcées est élevé et varie d’un État à l’autre, il peut inclure le doublement de peine, le transfert immédiat d’un·e mineur·e vers un tribunal pour adultes (puis sa condamnation dans une prison pour adultes) et une peine minimale obligatoire ou un renforcement de la peine qui va de un à huit ans, élevant automatiquement ce qui serait une infraction moins grave si elle était commise ailleurs. « En Alabama, par exemple, une vente de drogue qui a lieu à 5 kilomètres d’une école, d’un collège ou d’un projet de logement public est soumise à une peine de prison de cinq ans sans sursis[84] »

Aucune étude n’a démontré que ces zones décourageraient les activités criminelles (ce qui, bien sûr, n’est pas la même chose que de prévenir leurs dommages[85] impliquant des mineur·es ou qu’elles protègeraient les jeunes contre la drogue[86] En outre, bien qu’elles semblent ne pas tenir compte de la couleur de peau, ces zones de signalisation participent à la privatisation ou à la diabolisation des espaces publics, limitant celles et ceux qui n’ont pas accès aux ressources privées et qui doivent compter sur les espaces et les institutions publics. L’analyse de la loi sur les zones du Massachusetts effectuée par Prison Policy Initiatives conclut que leur mise en place « se traduit directement par des taux d’incarcération plus élevés pour les accusés noirs, latinos, urbains et pauvres, sans améliorer la sécurité des enfants[87] ». Même si le débat national sur la réforme des prisons et de la police évolue timidement, les législatures des États et le Congrès semblent moins disposés à éliminer complètement ces zones d’amélioration des peines présentées comme protégeant les enfants[88] En publiant son Report on Sentencing and Corrections Reform [rapport sur la réforme des peines et des services correctionnels], le Pew Charitable Trusts a annoncé « des révisions des peines minimales obligatoires, des zones scolaires sans drogue parmi une foule de changements[89] ». Cependant, le dossier indique que seuls trois des trente-quatre États analysés ont « révisé » leurs zones scolaires sans drogue, et aucun n’en a éliminé les dispositions.

Deuxièmement, l’une des formes de la protection carcérale contemporaine de l’enfant les plus difficiles à aborder, et encore plus à critiquer, est le registre des délinquants sexuels. Apparus dans les années 1980 dans le but louable de protéger les enfants contre la violence sexuelle, les registres se sont avérés peu efficaces pour réduire la violence sexuelle à l’égard des enfants ou pour empêcher de leur nuire[90] Les registres publics restreignent la vie des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, une forme de punition après la libération à laquelle n’est confrontée aucune autre personne ayant un casier judiciaire. Avec plus de 850 000 personnes inscrites dans les registres des délinquants sexuels aux États-Unis, dont beaucoup ont été condamnées alors qu’elles étaient mineures, les personnes condamnées pour des crimes sexuels constituent « le segment de la population carcérale des États et des prisons fédérales qui connaît la croissance la plus rapide » en raison du « durcissement des sanctions[91] ». Pourtant, ces registres ne parviennent pas à véritablement protéger les enfants. Selon la politologue Marie Gottschalk[92] qui résume les recherches disponibles, « les amis, les connaissances et les membres de la famille sont responsables de plus de 90 % de tous les abus sexuels sur les enfants ».

Cette promesse ratée de protection de l’enfance est récurrente dans les études sur la question. En 2014 à New York, alors que l’État incitait à la fermeture des prisons, le Washington Post a rapporté que des dizaines de personnes condamnées pour des délits sexuels étaient détenues après leur date de libération en raison de leur incapacité à trouver un logement en raison de lois qui exigent de vivre à plus de trois cents mètres d’une école[93] De même, en 2016, le Chicago Tribune a rapporté que malgré l’engagement du gouverneur républicain de réduire la population carcérale, le département correctionnel de l’Illinois détient régulièrement « parfois plus de mille » personnes condamnées pour des délits sexuels après leur date de libération en raison des difficultés à trouver un logement pour cette population[94] Et les sanctions s’accumulent : début 2016, le président Obama a signé une loi exigeant que les passeports des citoyens condamnés pour des délits sexuels portent la mention « délinquant·es sexuel·les »[95] (Post, 2016). Dans l’Illinois, les législateurs ont interdit l’accès aux restaurants dotés d’aires de jeux aux délinquant·es sexuel·les (Fowler, 2014). Les exigences en matière d’enregistrement continuent de s’intensifier avec des conséquences prévisibles : si environ 98 % des personnes inscrites sur ce registre sont des hommes, les Afro-Américain·es sont représenté·es de manière disproportionnée, soit 22 % des personnes condamnées pour des délits sexuels alors qu’iels représentent 13 % de la population américaine totale (Ackerman, Harris, Levenson, & Zgoba, 2011). Les non-adultes, celles et ceux qui sont théoriquement nimbé·es d’innocence sexuelle, sont accusé·es de délits sexuels de manière disproportionnée et tenus de se signaler, parfois pour toute leur vie. Bien que l’élimination de la violence sexuelle à l’égard des enfants soit essentielle, malgré leur inefficacité, les registres sont remarquablement résistants à toute critique publique, et donc à tout changement de politique, et continuent de donner l’impression de protéger les enfants sans vraiment le faire.

Pour finir, l’accès à l’emploi est également de plus en plus réglementé pour assurer la sécurité publique. Les vérifications des antécédents judiciaires, y compris les données biométriques, sont obligatoires pour la quasi-totalité des emplois officiels et des postes bénévoles auprès de mineur·es, ce qui empêche souvent les personnes ayant un casier judiciaire d’accéder à l’emploi et aux stages non rémunérés, que leur condamnation ait porté préjudice à un·e enfant ou non. Si le fait d’exiger des vérifications générales ou obligatoires des antécédents judiciaires, ou d’interdire aux personnes ayant commis des crimes ou des délits (ou même des arrestations) de postuler à un emploi peut sembler garantir que les employeurs réduisent les risques associés à un·e employé·e, la recherche montre clairement que ces pratiques sont défectueuses et coûteuses, qu’elles réduisent les bassins d’emploi et contribuent à des formes plus larges d’insécurité communautaire :

L’ironie repose sur le fait que les tentatives des employeurs pour protéger le lieu de travail excluent non seulement de nombreuses personnes qui ne présentent que peu ou pas de risques, mais qu’elles compromettent également la sécurité publique. Comme l’ont montré des études, le fait d’offrir aux individus la possibilité d’avoir un emploi stable fait baisser les taux de récidive et augmente donc la sécurité publique.
— Michelle N. Rodriguez et Maurice Emsellem
65 Million “Need not Apply”: The Case for Reforming Criminal Background Checks for Employment. National Employment Law Project. 2011.

Le National Employment Law Project a estimé qu’en octobre 2016 environ soixante-dix millions de personnes anciennement incarcérées étaient à la recherche d’un emploi, et que seulement cent cinquante villes et comtés avaient institué des formes de législation de type « Ban the Box [96] » pour s’assurer que les employé·es potentiel·les puissent démontrer qu’iels sont qualifié·es avant que l’employeur ne puisse examiner leur casier judiciaire[97] Dans la plupart des administrations, la discrimination à l’emploi, formelle et informelle, poursuit les personnes ayant un casier judiciaire. La protection des enfants nécessite-t-elle vraiment des pratiques et des politiques qui stigmatisent et limitent les parcours de vie des adultes, y compris de leurs propres éducateurs et des membres de leur famille qui ont un casier judiciaire ?

Les vérifications des antécédents sont particulièrement visibles et institutionnalisées dans le domaine de l’éducation, où, là encore, elles sont naturalisées par l’hypothèse implicite selon laquelle ces vérifications protégeraient les enfants. De nombreux États, tels que l’Illinois, exigent que les futur·es étudiant·es se soumettent à une vérification des antécédents judiciaires dans le cadre de leur processus de candidature, ne serait-ce que pour être admis·es dans un programme de formation d’enseignants. En 2016, USA Today a classé les États selon la rigueur de la vérification des antécédents des aspirant·es enseignant·es (et selon que les États signalent ou non les « mauvais·es enseignant·es » à une base de données nationale)[98] Le Center for Community Alternatives (CCA) indique qu’avant même de lancer un programme de certification, 66 % des collèges et universités interrogent les candidat·es potentiel·les sur leurs antécédents judiciaires, et certains demandent même s’iels ont été arrêté·es et s’iels ont un casier judiciaire vierge. L’argument avancé pour ces vérifications d’antécédents est la sécurité publique. Pour autant, selon le rapport du CCA, « aucun lien n’a été établi entre le fait d’avoir un casier judiciaire et le fait de poser un risque pour la sécurité du campus » et, en fait, l’enseignement supérieur « réduit la récidive » et favorise donc la sécurité publique[99] De la même manière que le profilage racial est présent dans nos communautés et nos écoles, la vérification obligatoire des antécédents judiciaires peut avoir pour fonction d’écarter les communautés latinos et noires de l’enseignement supérieur, en particulier de la qualification d’enseignant·e.

La demande de vérification des antécédents judiciaires a également renforcé le pouvoir d’industries soumises à une faible réglementation gouvernementale : il ne s’agit pas seulement de contrôler la production et la circulation d’informations judiciaires mais également d’écarter de toute opportunité d’emploi des candidat·es qualifié·es, y compris dans l’enseignement, mais aussi pour renforcer les mythologies préjudiciables sur les liens entre race et criminalité. En 2012, la Commission américaine de l’égalité des chances en matière d’emploi a découvert que les vérifications des antécédents judiciaires par Pepsi avaient été discriminatoires à l’égard de plus de trois cents Afro-Américain·es, car, parce qu’iels avaient été arrêté·es mais pas condamné·es, iels n’avaient pas été recruté·es[100]

Les aménagements de peine, les registres de délinquant·es sexuel·les et les vérifications biométriques des antécédents participent à offrir l’illusion de la sécurité publique et de la protection des enfants. Ils approfondissent une logique carcérale, ils font peu pour les enfants et en outre ils ciblent ou criminalisent les adultes, en particulier les plus marginaux. Notre État carcéral propose des mesures de surveillance et de maintien de l’ordre pour assurer la sécurité publique et protéger l’enfant, mais les mécanismes qui sont développés et perfectionnés n’aident que peu les enfants de chair et de sang.

Sujet au changement ?

En ce moment de réforme, déconstruire le pouvoir figuratif de l’enfant et la rhétorique de la protection de l’enfance met en lumière certains des problèmes les plus urgents auxquels sont confronté·es celles et ceux qui travaillent à démanteler notre État carcéral, y compris les tensions entre un travail de réforme et des changements structurels et systématiques. Cette analyse n’est pas nouvelle. Les chercheurs en sciences de l’éducation ont interrogé de manière critique les conceptions de l’enfance et de l’adolescence et/ou la manière dont ces catégories labiles reproduisent et masquent les injustices au sein des systèmes éducatifs (et au-delà). Pourtant, malgré ces travaux, les childhood studies, ou critical childhood studies, sont sur une voie parallèle à celle des études sur l’éducation, et, curieusement, elles n’en constituent pas un fondement essentiel. L’enfant à problèmes semble intéresser les historien·nes, les spécialistes des études littéraires et certain·es anthropologues, mais iel semble moins pertinent pour celles et ceux qui travaillent dans la recherche et la pratique de la maternelle au secondaire. La façon dont les enfants en chair et en os saturent notre domaine rend peut-être plus difficile encore la perception des structures et des systèmes qui sont inscrits dans ces corps et peut-être façonne-t-elle également les perspectives plus larges que nous pouvons avoir sur elles et eux.

Il n’y a pas de réponses évidentes à apporter aux tensions et aux questions que soulève cet essai. Comme l’écrit l’abolitionniste Angela Davis, peut-être que poser de nouvelles questions fait partie du travail de construction de futurs plus justes : « Comment pouvons-nous imaginer un monde meilleur et nous poser des questions nous permettant de voir au-delà de ce qui est donné[101] ? » Dans cet état d’esprit, je propose des provocations finales, pas plus exhaustives que prescriptives pour notre travail en educational studies, afin de démanteler l’État carcéral et de construire des vies florissantes pour toutes et tous.

  • La vulnérabilité peut être envisagée par des mécanismes autres que ceux relevant du maintien de l’ordre, de l’incarcération et de la surveillance. Théoriser à nouveaux frais la vulnérabilité en dehors d’une logique carcérale, ou d’un « État-papa » coercitif[102] est une tâche essentielle et permanente dans nos écoles et nos communautés. Par exemple, la construction d’écoles plus sûres pour les jeunes (et le personnel) LGBTQ ne peut pas reposer sur la criminalisation ou des pratiques qui sont toujours racialisées et hétérogenrées. Les jeunes personnes, et celles et ceux qui travaillent à leurs côtés, doivent être des leaders et leadeuses dans le travail visant à concevoir la sécurité de manière transformative, en dehors des logiques carcérales.

  • Construire des mouvements pour l’accès à l’éducation et la justice qui ne laissent personne de côté. Par exemple, les mobilisations actuelles contre la fermeture des écoles publiques de la maternelle au secondaire avancent souvent des arguments centrés sur l’innocence et la bonté des enfants, renforçant ainsi une logique qui garantit que les personnes de plus de dix-huit ans (leurs parents, leurs enseignants, leurs frères et sœurs plus âgé·es, par exemple) ne méritent pas d’être soutenues et d’avoir accès à une éducation publique gratuite et de qualité. Par nécessité, les mouvements de justice pour les personnes handicapées semblent montrer la voie pour développer des stratégies de mouvement radicalement inclusives qui ne laissent personne de côté.

  • Une analyse solide du travail figuratif de l’enfance dans ce moment politique nécessite une analyse et des outils issus des arts et des sciences humaines. La recherche en sciences sociales qui se concentre sur les enfants ou sur l’enfant en tant que sujet d’enquête suppose souvent que les catégories de développement sont fixes et naturelles plutôt que mouvantes et inventées. Il ne s’agit pas d’un appel à l’abandon des sciences sociales. Cependant, la prédominance de la psychologie, des méthodes et outils des sciences sociales dans les sciences de l’éducation peut faire écran à notre capacité à explorer des questions fondamentales : Quelles sont les significations attachées à l’enfance ? Quel travail politique l’enfant accomplit-iel dans une mobilisation ou un mouvement spécifique ?

  • Les lois et les pratiques sans fondement qui professent la protection de l’enfant sont souvent construites sur des peurs enracinées dans des systèmes idéologiques. La transphobie et la misogynie sont à l’origine du projet de loi sur les toilettes non-mixtes, tout comme les craintes de la suprématie blanche concernant le « superprédateur » juvénile et les « bébés crack » ont précédemment alimenté une série de lois punitives. Relever ces faits ne suffira pas à les démanteler. Comment notre travail au sein d’une justice soucieuse d’éducation[103] permet-il d’amplifier ou de remettre en question les logiques qui sous-tendent la vague actuelle de lois sur la protection de l’enfance ? Comment pouvons-nous continuer à ébrécher et à ne pas renforcer les idéologies superposées – le capacitisme, le colonialisme – qui sous-tendent ces lois ?

  • L’innocence et le manque de raison, deux caractéristiques attribuées à l’enfant et pourtant souvent occultées, sont à la base de notre appareil démocratique et des institutions qui y sont associées, y compris notre système juridique pénal. Dans notre travail dans les écoles, comment aborder les différences liées à l’âge sans naturaliser l’innocence, un artefact fluide et dangereux que certains et certaines possèdent naturellement, que d’autres se voient refuser, et que toutes et tous, inévitablement, perdent ?

  • Étant donné que la protection de l’innocence sexuelle des enfants blanc·hes est une facette récurrente de l’expansion carcérale, parlons (davantage) de sexualité. En même temps, convenons que travailler pour mettre fin aux violences sexuelles vis-à-vis des enfants n’est pas incompatible avec la reconnaissance des complexités entourant les sexualités (enfantines) émergentes. En d’autres termes, reconnaissons que notre État carcéral n’est pas en mesure de mettre fin à la violence sexuelle contre les enfants, mais, en même temps, que les préjudices subis par les enfants ne devraient pas légitimer les systèmes qui ne s’attaquent pas à ces préjudices.


1. Saisiya Hartman, Lose your Mother: A Journey along the Atlantic Slave Route, New York, Farrar, Straus & Giroux, 2007, p. 6.
2. Pour plus d’informations sur Right on Crime et ses objectifs politiques, voir http://rightoncrime.com, http://rightoncrime.com/priority-issues/; pour plus de détails sur les visions de #BlackLivesMatter, voir la plateforme politique de mobilisation Movement for Black Lives : https://m4bl.org/.
3. (NdT) Au États-Unis, le school-to-prison pipeline (SPP) désigne le fait que les mineur·es et jeunes adultes de minorités précaires et racisées ont beaucoup plus de chances d’être incarcéré·es que d’autres du fait des politiques de tolérance zéro et des inégalités d’accès à une éducation de qualité, au point que l’école puisse sembler, sinon une portée d’entrée, du moins un canal d’accès direct à la prison.
4. Garret Albert Duncan, « Urban Pedagogies and the Celling of Adolescents of Color », Social Justice, 27(3), 29–42, 2000 ; Catherine Y. Kim, Daniel J. Losen, Damon T. Hewitt, D, The School to Prison Pipeline: Structuring Legal Reform. New York, New York University Press, 2010; Crystal T. Laura, Being bad: My Baby Brother and the School-to-Prison Pipeline, New York, Teachers College Press, 2014 ; Damien M. Sojoyner, « Black radicals make for bad citizens: Undoing the myth of the school to prison pipeline », Berkeley Review of Education, 4(2), 241–263, 2013 ; Maisha T. Winn, Girl Time: Literacy, Justice, and the School-to-Prison Pipeline, New York, Teachers College Press, 2010.
5. Donna St. George, « School-to-prison pipeline” hearing puts spotlight on student discipline ». The Washington Post, 13/12/2012. Cf. https://www.washingtonpost.com/local/education/school-to-prison-pipeline-hearing-puts-spotlight-on-student-discipline/2012/12/13/18503286-4524-11e2-9648-a2c323a991d6_story.html
6. Le retrait des élèves de couleur d’un cadre éducatif commence dès l’école maternelle. Les filles noires connaissent des taux disproportionnés de sanctions disciplinaires à l’école. Les jeunes queers, en particulier ceux qui ne sont pas blanc·hes, sont plus susceptibles que leurs pairs hétéros d’être puni·es par les tribunaux et les écoles (Diaz & Kosciw, 2009 ; Himmelstein & Bruckner, 2011). Alors que la recherche sur la disproportionnalité disciplinaire scolaire progresse également sur la façon dont les étudiant·es handicapé·es sont sanctionné·es, elle est rarement intersectionnelle.
7. Motoko Rich, “Administration urges restraint in using arrest or expulsion to discipline students”, The New York Times, 8/01/2014. Cf. http://www.nytimes.com/2014/01/09/us/us-criticizes-zero-tolerance-policies-in-schools.html?_r=0. N’étant pas financées, ces directives reproduisent également l’ignorance institutionnelle persistante autour des expériences des jeunes femmes et/ou des jeunes queers.
8. L’État carcéral désigne les multiples agences nationales, institutions et organisations à but non lucratif qui ont des fonctions de maintien de l’ordre et de punition et qui, dans les faits, règlementent les communautés pauvres, y compris celles qui se trouvent au-delà du site physique de la prison ou de l’établissement pénitentiaire : services à l’enfance et à la famille, agences d’aide sociale et d’aide par le travail, agences d’immigration, de santé et services sociaux.
9. Angela Davis, La Prison est-elle obsolète ?, trad. Nathalie Peronny, Paris, 2021, Le Diable Vauvert, p. 47. Selon Murakawa, les réformes avancées par les démocrates, particulièrement celles visant à réduire les préjugés raciaux dans le maintien de l’ordre et l’emprisonnement, ont également contribué à la croissance de la plus grande population carcérale de la planète. Par exemple, dans les années 1980, des directives sur la détermination de la peine ont été défendues par une série de démocrates, dont le sénateur Edward Kennedy, afin de supprimer les préjugés dans le processus de détermination de la peine. Ces directives sont rapidement devenues rigides, comme en témoigne l’adoption de la loi de 1984 sur le contrôle de la criminalité, et ont supprimé le pouvoir discrétionnaire des juges en matière de condamnation, contribuant ainsi à un allongement des peines qui a accru la population carcérale à la fin des années 1980 et dans les années 1990. Cf. Naomi Murakawa, The First Civil Right: How Liberals Built Prison America. Oxford, Oxford University Press, 2014.
10. Ruth Wilson Gilmore, Golden Gulag: Prisons, Surplus, Crisis, and Opposition in Globalizing California, Berkeley University of California Press, 2007, p. 242.
11. Beth E. Richie, Arrested justice: Black Women, Male Violence, and the Build-up of a Prison Nation, New York, New York University Press, 2012.
12. En date du 23 janvier 2017, au début de la nouvelle session législative, huit États ont déjà « préfiguré ou introduit une législation » exigeant que les personnes utilisent des vestiaires et des sanitaires correspondant à leur genre et au sexe qui leur a été assigné à la naissance : il s’agit des « projets de loi sur les sanitaires » (Kralik, 2017).
13. (NdT) L’autrice indique « adolescent, juvenile, minor, youth ». Le terme « juvénile » n’étant pas un substantif en français, nous l’avons systématiquement traduit par « mineur·e ».
14. Stephano Harney, Fred Moten, Les sous-communs, op. cit.
15. Martin Guggenheim, What’s Wrong with Children’s Rights, Cambridge, Harvard University Press, 2005, p. 10.
16. Cet article reprend les thèses développées dans For the Children? Protecting Innocence in a Carceral State. Cf. Erica Meiners, For the Children? Protecting Innocence in a Carceral State, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2016.
17. (NdT) Le terme « figurative » renvoie à l’idée de représentation. Il est synonyme de « mythique ».
18. Anita Casavantes Bradford, The Revolution is for the Children: The Politics of Childhood in Havana and Miami, 1959–1962, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2014, p. 2.
19. Ibid., p. 2.
20. Ibid., p. 11.
21. Elizabeth A. Povinelli, Economies of Abandonment: Social Belonging and Endurance in Late Liberalism. Durham, Duke University Press, 2011, p. 191. (NdT)
22. (NdT) Le française ne peut traduire le double sens ironique de minor problems, qui désigne tout autant les « problèmes mineur·es » que les « problèmes des mineur·es », qui ne sont précisément pas moindres que les problèmes d’autres catégories de la population indépendamment de leur minoration.
23. Kathryn Stockton, The Queer Child: or, Growing Sideways in the Twentieth Century, Durham, Duke University Press, 2009.
24. Bien que cette analyse soit ancrée aux États-Unis, la plasticité de ces catégories développementales est également illustrée, peut-être de manière plus spectaculaire, en comparant, par exemple, les âges de consentement à l’emploi, à l’activité sexuelle et au mariage à travers le monde.
25. Cf. Kathryn Stockton, The Queer Child, op. cit., p. 16 et Anthony M. Platt, The Child Savers: The Invention of Delinquency, Chicago, University of Chicago Press, 1969.
26. Holly Brewer, Birth or Consent: Children, Law, and the Anglo-American Revolution in Authority, Chapel Hill: University of North Carolina Press, 2005.
27. Ibid., p. 1.
28. Ibid., p. 155.
29. Ibid., p. 182.
30. Gill Valentine, Tracey Skelton et D. Chambers, « An introduction to youth and youth culture », Tracey Skelton & Gill Valentine (Éds.), Cool Places: Geographies of Youth Cultures, Londres, Routledge, 1998, p. 10.
31. Signifier l’identité est toujours une démarche provisoire et politique. À moins que l’auteur, le mouvement ou une autre source n’utilise un terme différent, j’utilise généralement dans cet article les termes suivants pour désigner les catégories raciales : Noir, Premières Nations, Latino, non-blanc, personnes/jeunes de couleur, blanche. Je reconnais toutefois que ces termes ne sont pas adéquats – ils ne reflètent pas la façon dont les personnes et les communautés choisissent (ou sont tenues) de s’identifier. Ils ne sont pas non plus exhaustifs – ils ne reflètent pas le large éventail de façons dont la suprématie blanche, le colonialisme et d’autres idéologies sont vécus, combattus et refusés. J’utilise également queer comme terme de substitution pour LGBTQ – lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers et non-conformistes de genre – un terme encore une fois inadéquat pour représenter un éventail de sexualités et d’identités de genre.
32. Robert Bernstein, Racial Innocence: Performing Childhood from Slavery to Civil Rights. New York, New York University Press, 2011, p. 34. (NdT) On n’a pas trouvé d’équivalent dans la langue française, mais ce serait une version enfantine du très raciste « bamboula ».
33. Ibid., p. 35.
34. Philipp Atiba Goff, Matthew Christian Jackson, Brooke Allison Lewis Di Leone, Carmen Marie Culotta et DiTomasso, Natalie Ann, « The Essence of Innocence: Consequences of Dehumanizing Black Children », Journal of Personality and Social Psychology, 106(4), 52–545, 2014.
35. Ibid., p. 256.
36. Ibid., p. 532.
37. (NdT) Le terme désigne que ces catégories sont issues de la psychologie du développement, qui postule que la maturation de l’individu passe nécessairement par des étapes identifiées scientifiquement.
38. Josh Sanburn, « All the Ways Darren Wilson Described Being Afraid of Michael Brown », Time, le 25 novembre 2014. Cf. http://time.com/3605346/darren-wilson-michael-brown-demon/.
39. Charles M. Blow, « Tamir Rice and the Value of Life ». The New York Times, 11 janvier 2015. Cf. http://www.nytimes.com/2015/01/12/opinion/charles-m-blow-tamir-rice-and-the-value-of-life.html?r=0.
40. Christina Cauterucci, « Will the system fail Bresha Meadows, a teen who killed her allegedly abusive father? », _Slate.com, 9 septembre 2016. Cf. https://slate.com/human-interest/2016/09/will-the-system-fail-bresha-meadows-a-teen-who-killed-her-reportedly-abusive-father.html.
41. Martha Irvine, « Adult at 18? Who are you kidding? The age is now 26 », The Los Angeles Times, 26 octobre 2003. Cf. http://articles.latimes.com/2003/oct/26/news/adna-grownup26.
42. Cf. Kathryn Stockton, The Queer Child, op. cit., p.3.
43. Robert Bernstein, Racial Innocence, op. cit., p. 4.
44. Anna Mae Duane, Suffering Childhood in Early America: Violence, Race, and the Making of the Child Victim, Athens, University of Georgia Press, 2010, p.6.
45. Ibid., p. 118.
46. Nancy Lesko, Act your Age! A Cultural Construction of Adolescence, New York, Routledge, 2001.
47. (NdT) On traduit ici « status offenses » par « infraction de statut » : il s’agit de des délits qui n’en sont que pour une fraction de la population, en l’occurrence les personnes mineures : boire de l’alcool, fuguer, etc.
48. Annie E. Casey Foundation, « Reducing Youth Incarceration in the United States: A KIDS COUNT data snapshot », 2013, p. 2. Cf. http://www.aecf.org/resources/reducing-youth-incarceration-in-the-united-states/.
49. Geoff K. Ward, The Black Child-Savers: Racial Democracy and Juvenile Justice, Chicago, University of Chicago Press, 2012, p. 205.
50. Ibid., p. 207.
51. Nisha Ajmani, « California must reform its gang sentencing laws », Center on Juvenile and Criminal Justice, 26 mars 2016. Cf. http://www.cjcj.org/news/10250.
52. Lisa Pasko, « Damaged daughters: The History of Girls’ Sexuality and the Juvenile Justice System », Journal of Criminal Law & Criminology, 100(3), p. 1100.
53. A. Davis, La Prison est-elle obsolète ?, op. cit., p. 87.
54. Lisa Pasko, art. op. cit., p. 1107.
55. (NdT) « Ère progressiste » est le nom donné à la période de l’histoire des États-Unis qui va des années 1890 aux années 1920.
56. Geoff K. Ward, The Black Child-Savers: Racial Democracy and Juvenile Justice., op. cit.
57. Joshua D. Herman, « Sexting: It’s no joke, it’s a crime », Illinois Bar Journal, 98(4), 192, 2010.
58. David Finkelhor, Rochard Ormrod, et Mark Chaffin, « Juveniles who Commit Sex Offenses Against Minors », Office of Juvenile Justice and Delinquency Prevention, 2009. Cf. https://www.ncjrs.gov/pdffiles1/ojjdp/227763.pdf.
59. Ibid., p. 2.
60. Angela Irvine, « We’ve Had Three of Them”: Addressing the Invisibility of Lesbian, Gay, Bisexual and Gender Nonconforming Youths in the Juvenile Justice System », Columbia Journal of Gender and Law, 19(3), 675–701, 2010 ; Joey L. Mogul, Andrea J. Ritchie, Kay Whitlock, Queer (in)justice: The Criminalization of LGBT People in the United States. Boston, Beacon Press, 2011.
61. Ginia Bellafante, « Arrests by the fashion police », The New York Times, 15 avril 2013. Cf. http://www.nytimes.com/2013/04/07/nyregion/arrests-by-the-fashion-police.html.
62. Dean Spade, _Normal Life: Administrative Violence, Critical Trans Politics, and the Limits of Law, _Brooklyn, South End Press, 2011.
63. Juvenile Law Center, « Reducing transfer to the adult system », 2015. Cf. http://www.jlc.org/current-initiatives/youth-criminal-justice-system/reducing-transfers-adult-system.
64. Annie E. Casey Foundation, art. op. cit., p. 1-2.
65. Ibid.
66. Geoff K. Ward, The Black Child-Savers: Racial Democracy and Juvenile Justice, op. cit., p. 33.
67. Annie E. Casey Foundation, art. op. cit., p. 2.
68. Neil Bernstein, Burning Down the House: The End of Juvenile Prison, New York, New Press, 2014.
69. William Ayers, A Kind and Just Parent: The Children of Juvenile Court. Boston, Beacon Press, 1998.
70. Dorothy Roberts, Shattered Bonds: The Color of Child Welfare, New York, Basic Civitas Books, 2002.
71. Child Trends, « Foster care: Indicators on Children and Youth », _Child Trends Data Bank, 2015, p. 5. Cf. http://www.childtrends.org/wp-content/uploads/2014/07/12_Foster_Care.pdf.
72. Mac Taylor, « Protecting Children from Abuse and Neglect: Trends and issues », LAO Report, 8 août 2013, p.33. Cf. http://www.lao.ca.gov/reports/2013/ssrv/child-neglect/child-neglect-080813.aspx.
73. Bianca D.M. Wilson, Khush Cooper, Angeliki Kastansis, Sheila Nezhad, « Sexual and Gender Minority Youth in Foster Care: Assessing Disproportionality and Disparities in Los Angeles », Williams Institute, UCLA School of Law. Cf. http://williamsinstitute.law.ucla.edu/wp-content/uploads/LAFYS_report_final-aug-2014.pdf.
74. Martin Guggenheim, What’s Wrong with Children’s Rights, op. cit.
75. Barbara Nelson, Making an Issue of out Child Abuse: Political Agenda Setting for Social Problems, Chicago, University of Chicago Press, 1984.
76. (NdT) La War on Poverty désigne un ensemble de mesures législatives pour lutter contre la pauvreté, lancées par le président Johnson, proclamé lors de son discours sur l’état de l’Union le 8 janvier 1964.
77. Martin Guggenheim, What’s wrong with children’s rights, op. cit., p. 184.
78. Kaarin S. Gustafson, Cheating welfare: Public Assistance and the Criminalization of Poverty. New York, New York University Press, 2011, p. 31.
79. Ibid.
80. Kerry DeVooght, Megan Fletcher, Hope Cooper, Federal, State, and Local Spending to Address Child Abuse and Neglect in SFY 2012. _Child Trends. _Cf. http://www.childtrends.org/wp-content/uploads/2014/09/SFY-2012-Report-for-Posting-July2015.pdf.
81. Lisa Duggan, The twilight of equality? Neoliberalism, Cultural Politics, and the Attack on Democracy, _Boston, Beacon Press, 2003; Ange-Marie Hancock, _The Politics of Disgust: The Public Identity of the Welfare Queen. New York, New York University Press, 2004.
82. Kathryn Stockton, The Queer Child, op. cit., p.5.
83. Nicole D. Porter, Tyler Clemons, Drug-free zone laws: An overview of state policies. _Sentencing Project Report, 2013, p.1. Cf. http://sentencingproject.org/wp-content/uploads/2015/12/Drug-Free-Zone-Laws.pdf
84. Ibid., p. 1.
85. Jamais neutre, la notion de crime renvoie à un ensemble de lois et de règlements formulés : « Les actes ne sont pas, ils adviennent. Il en va de même pour le crime. Le crime n’existe pas. Le crime est créé. Il y a d’abord des actes. Puis suit un long processus qui consiste à donner un sens à ces actes. La distance sociale revêt une importance particulière. La distance augmente la tendance à donner à certains actes le sens de crimes et aux personnes le sens simplifié de criminels » (Christie, 2000, p. 22).
86. Judith A. Greene, Kevin Pranis, Jason Ziedenberg, Disparity by design: How drug-free zone laws impact racial disparity—​and fail to protect youth. Justice Policy Institute, 2006. Cf. http://www.drugpolicy.org/docUploads/SchoolZonesReport06.pdf ; Alex Kajstura, Peter Wagner, William Goldberg, The geography of punishment: How huge sentencing enhancement zones harm communities, fail to protect children. Prison Policy Initiative, 2008. Cf. http://www.prisonpolicy.org/zones/failing.html ; Nicole D. Porter, Tyler Clemons, Drug-Free Zone Laws: An overview of State Policies. Sentencing Project Report, 2013. Retrieved from http://sentencingproject.org/wp-content/uploads/2015/12/Drug-Free-Zone-Laws.pdf.
87. William Goldberg, The Geography of Punishment: How Huge Sentencing Enhancement Zones Harm Communities, Fail to Protect Children, op. cit.
88. Christie Thompson, Connecticut Votes to Keep “Urban Penalties” for Drug Offenders who Live in Cities. Think Progress, 2015. Cf. https://thinkprogress.org/connecticut-votes-to-keep-urban-penalties-for-drug-offenders-who-live-in-cities-1bc3b108c6da#.rql790f7u.
89. The Pew Charitable Trusts, Justice Reinvestment Initiative Brings Sentencing Reforms in 21 States, 22 janvier 2016. Cf. http://www.pewtrusts.org/en/research-and-analysis/issue-briefs/2016/01/states-modify-sentencing-laws-through-justice-reinvestment.
90. Les données disponibles indiquent clairement que les étrangers sont systématiquement les moins susceptibles d’être les auteurs d’une agression sexuelle. Selon une étude marquante du Bureau of Justice Statistics, qui a utilisé des données sur les victimes d’agressions sexuelles provenant d’une nouvelle base de données, le National Incident-Based Reporting System, les étrangers ne représentent que 7 % des agressions sexuelles contre les enfants (Howard N. Snyder, Sexual Assault of Young Children as Reported to Law Enforcement: Victim, Incident, and Offender Characteristics, Bureau of Justice Statistics, 2000. Cf. http://www.bjs.gov/content/pub/pdf/saycrle.pdf). Roger N. Lancaster, Sex Panic and the Punitive State. Berkeley, University of California Press, 2011; Wayne A. Logan, Knowledge as Power: Criminal Registration and Community Notification Laws in America. Palo Alto, Stanford University Press, 2009 ; Richard G. Wright, R. « Sex Offender Registration and Notification: Public Attention, Political Emphasis, and Fear », Criminology and Public Policy, 3(1), 97–104.
91. Marie Gottschalk, Caught: The Prison State and the Lockdown of American Politics, Princeton, Princeton University Press, 2015, p. 199.
92. Ibid., p. 124.
93. Associated Press, « Housing rules keep NY sex offenders behind bars », The Washington Post, 22 août 2014. Cf. http://www.washingtontimes.com/news/2014/aug/22/housing-rules-keep-ny-sex-offenders-behind-bars/#ixzz3QK6DIbFY.
94. Steve Mills, « Inmate Held on 1974 Parole Violation Even Though Officials Want him Freed », The Chicago Tribune, 3 décembre 2016. Cf. http://www.chicagotribune.com/news/ct-old-parole-violation-met-20161126-story.html.
95. David Post, « The yellow star, the scarlet letter, and “International Megan’s Law », The Washington Post, 6 janvier 2016. Cf. https://www.washingtonpost.com/news/volokh-conspiracy/wp/2016/01/06/the-yellow-star-the-scarlet-letter-and-international-megans-law/.
96. (NdT) La campagne « Ban the Box » vise à supprimer, dans les formulaires de dépôt de candidature, l’interface graphique laissant un choix binaire concernant la mention d’antécédents judiciaires. Cf. http://bantheboxcampaign.org/
97. Michelle N. Rodriguez, Beth Avery, « Ban the Box: US Cities, Counties, and States Adopt Fair Hiring Policies », National Employment Law Project, 2011, p. 3. Cf. http://www.nelp.org/publication/ban-the-box-fair-chance-hiring-state-and-local-guide/.
98. John Kelly, How we Graded the States on Teacher Background Checks. USA Today, 14 février 2016. Cf. http://www.usatoday.com/story/news/2016/02/14/how-we-graded-states-teacher-background-checks/80214540/.
99. Marsha Weissman, Alan Rosenthal, Patricia Warth, Elaine Wolf, Michael Messina-Yauchzy, (2015). The use of criminal history records in college admission. Center for Community Alternatives, 2015, p. ii. Cf. http://www.communityalternatives.org/pdf/Reconsidered-criminal-hist-recs-in-college-admissions.pdf.
100. US Equal Employment Opportunity Commission, Pepsi to pay $3.13 million and made major policy changes to resolve EEOC Finding of Nationwide Hiring Discrimination Against African Americans, 1er janvier 2012. Cf. _http://www.eeoc.gov/eeoc/newsroom/release/1-11-12a.cfm.
101. Angela Davis, Les Goulags de la démocratie, trad. Louis de Bellefeuille, Paris, Au Diable Vauvert, 2018, p. 24.
102. Iris Marion Young, The Logic of Masculinist Protection: Reflections on the Current Security State, in Marylin. Friedman (éd.), Women and Citizenship, New York, Oxford University Press, 2005, p.15-34.
103. (NdT) L’educational justice vise à favoriser l’égalité dans l’accès à l’éducation, notamment par le tutorat. Cf. https://educationaljustice.org